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Ainsi ce qui est chimérique dans une acception générale et absolue, est vrai pour individu ou pour l’espèce particulière.

    vement. Dépendans au-dedans nous n’avons d’empire qu’au-dehors, nous transmettons les lois auxquelles nous sommes soumis. Nous pensons qu’elles émanent de nous, parce que nous ne les connoissons qu’alors parce que nous ne sentons que quelques accidens de cette perpétuelle oscillation active et passive, comme dans celle de nos fluides nous n’avons qu’en certains instans le sentiment de leur circulation.

    Dans l’habitude d’une fortune contraire, l’on est naturellement timide et pusillanime ; on est confiant, assuré, téméraire dans un cours de succès. Cette audace et cette défiance ne sont pas seulement le résultat de nos épreuves ; elles semblent encore pressentir nos destinées, les annoncer et s’accommoder à elles par une sorte de concours mutuel. Seroit-il vrai de dire que ce n’est point le bonheur qui produit l’audace, ni l’audace qui ouvre les voies de la prospérité ; mais que cette confiance est naturelle à celui qui est heureux ? ensorte que celui-là seroit formé pusillanime, à qui seroit destinée une suite de contradictions, d’infortunes et de revers, et cet autre confiant et entreprenant à qui tout devroit succéder ; comme si nous avions quelque sentiment du sort qui nous attend, et une sorte de prescience physique qui nous déterminât à la crainte ou à l’assurance convenablement à ce que nous devrions éprouver.

    La confiance, dit-on, prépare les succès, l’audace