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ne consiste que dans la continuité de bien-être, l’exemption de douleur. C’est donc à la philosophie qu’il faut recourir ; elle nous apprend à vivre dans le présent, et à nous y modifier d’une manière propre à notre nature.

Des occupations commandées peuvent suffire à beaucoup d’hommes contre une partie des maux factices. Mais il ne reste que la philosophie à ceux qui ont le double malheur d’être éloignés de la première simplicité, et d’être dans le cours actuel des choses, exempts de travaillée besoins et d’ignorance.

Discordance entre l’œuvre des hommes et l’œuvre universelle. Elle n’est sensible que pour ceux dont l’esprit atteint les limites de l’institution humaine.

La philosophie, en nous faisant voir universellement et également, nous apprend à choisir et à rejeter selon nos vrais besoins, et ainsi supplée, quoiqu’imparfaitement, aux moyens primitifs de n’éprouver que ce qui est convenable à notre nature.

Du vrai philosophe. De la vraie philosophie. Elle convient réellement à peu d’hommes. Il ne faut point s’arrêter dam la recherche du bon et du vrai. Quand on a mal entendu la philosophie ou que l’on a abusé d’elle, le vulgaire en conclut qu’elle est inutile ou funeste au bien public.

La vraie philosophie ne sauroit nuire aux hommes ; cependant ses lois ont quelque chose de vain : tout est nécessaire et irrésistible ; et, comme elle donne le sentiment de cette vérité, elle ne peut satisfaire aussi pleinement que le mobile primitif de la sensation présente.