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suffisent à tous ses besoins[1] ; et il prépare ses enfans à la paix de son cœur, à la douceur de ses habitudes, à ses constantes voluptés.

Ainsi vivent les pasteurs des Alpes suisses dans les vallées fortunées de Schwitz, de Glaris ou d’Underwalden, où l’on ne voit pas un riche, où l’on ne trouve pas un pauvre ; où la simple abondance embellit le plus ignoré des chalets ; donc toutes les terres sont sauvages, et toutes sont aimées ; où chacun possède quelque chose des forêts et des eaux, des troupeaux et des pâturages ; où tout homme chérit sa patrie, parce que sa patrie toute entière est semblable à lui ; et dont le Landamme[2] maintient l’état en veillant sur ses

  1. Trois sortes d’hommes usent des choses naturelles ; et les hommes simples qui sont assez heureux pour n’imaginer que celles-là ; et les hommes disgraciés du sort qui sont assez pauvres pour n’en pouvoir atteindre d’autres ; et les hommes assez sages pour leur sacrifier tout ce que l’art peut produire.
  2. Chef du canton. L’on voit que ceci appartient à l’époque où une partie de la Suisse étoit libre ; maintenant la liberté est égale dans tous les cantons ; les Alpes et la plaine ont une même constitution.