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pas plutôt nous faire rétrograder vers le repos certain, vers ce but invariable, seul asile assuré et permanent ; et notre répugnance pour ce retour pénible, mais nécessaire, doit-elle être invincible ?

Je suppose qu’il ne reste plus qu’à examiner impartialement si l’on n’a pas été trop loin ; et je ne pense point que celui qui n’est pas ébloui par de séduisans dehors puisse douter un moment. Je ne calcule pas la somme des biens et celle des maux ; cette estimation seroit difficilement exacte, et quelqu’en soit la disproportion, je ne serois pas surpris que l’on parvînt à un résultat douteux. Mais cette estimation, fût-elle bien faite ; y eût-il, ce que je ne crois nullement, dans le sort de l’homme actuel autant de plaisirs que de misères, des joies aussi grandes que le sont ses douleurs, cela ne prouveroit point encore. On demande aussi, compensation faite des diverses situations d’une même vie, s’il est plus d’hommes pour qui elle soit bonne que d’hommes qui aient droit de l’abhorrer : je crois encore que la réponse me seroit incontestablement favorable ; mais ne le fût-elle point, cela ne prouveroit pas non plus ; car le mal réel peut être allégé par l’espérance dont les promesses