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Le génie que je suppose pénètre par l’onomatopée dans la nuit de la formation des langues ; il en bannit l’arbitraire qui rendoit leur étude sèche et vaine, et faisoit de leurs restes précieux[1] des débris inutiles à la raison.

Un grand principe lui aide à lever le voile de la nature, c’est que rien n’existe en elle sans une cause nécessaire ; un principe non moins vrai portera pour lui la lumière dans les ténébreuses institutions humaines ; il verra que cet agent de la nature n’a rien établi sans une raison première ; et que c’est à l’oubli seul de cette cause originale, que sont dus tous les abus[2] qui ont donné les carac-

  1. Nulle connoissance antérieure n’est plus nécessaire à l’intelligence des opinions de toutes les contrées, et de leur liaison si long-tems méconnue et si propre à désarmer le fanatisme, que celle des premiers principes des langues et de leur source commune. La connoissance du Zend, du Pelhvi, du Samscretan, de la langue de Tangut, et de celle commune à tout l’ancien Nord, ne sont que les premiers pas pour parvenir à l’alphabet primitif imaginé de nos jours, et par lequel seul on peut lire le grand livre de la pensée humaine dans tous les âges.
  2. Les préceptes eussent été inutiles pour les choses que la multitude eût été portée à faire naturellement