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l’intérêt des ames viles, la prudence de celui qui raisonne ses actions, les penchans de celui qui ne voit que le moment actuel, la fière raison qui juge les principes eux-mêmes, et la servile habitude qui vénère tout ce qu’elle trouve établi ; enfin tout ce qui conduit les hommes, tout ce qui peut produire leur docilité, leur attachement ou leur révolte, en un mot tous les ressorts de la morale et de la politique, composent la perfection de la machine, et maintiennent sa durée. Il n’y a plus de cité si la loi n’est pas par-tout obéie ; il n’y a pas de liberté si cette obéissance combat notre volonté suivie, moins encore si elle révolte notre raison ; il faut donc que les institutions soient telles que la raison puisse s’abandonner à leurs suites naturelles, et que l’intérêt individuel aime à s’y abandonner.

Le génie est l’esprit d’étendue, d’ordre, de profondeur et de force. Chaque art, chaque science, toute chose humaine a son génie. L’une demande plus de subtilité, l’autre plus d’étendue, plus de finesse, ou plus de fierté, une marche prudente ou une attitude mâle. Mais le vrai, le premier génie, le génie philosophique, celui de l’instituteur des peuples,