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Perse, la Grèce, et récemment dans des sectes chrétiennes ; le christianisme lui-même l’admet. Les principales modifications de ce système l’ont absolument défiguré, mais on le reconnoît pourtant. D’abord on expliqua la nature en la composant de deux matières, l’une active et l’autre inerte ou indifférente ; et l’on fit tout dériver des diverses combinaisons de cette matière subtile et de cette matière corporelle. Ensuite l’inquiétude de l’inconnu et le désir de se faire un nom par de nouvelles hypothèses, ont changé la matière motrice en intelligence gouvernante, et l’on crut à l’ame universelle. Pour se faire entendre du peuple, on donna à l’ame universelle une volonté motivée ; et pour donner aux vertus une sanction céleste, on en fit la cause de tous les biens, le bon principe. Le modèle que l’on proposoit à l’homme, ne pouvoit être la cause d’aucun mal ; il fallut donc que l’autre principe produisit les maux par la force d’inertie qu’il opposoit aux biens. Il étoit difficile d’expliquer par cette seule résistance le mal positif ; on fit ce second principe opposé en tout au premier, voulant et produisant comme lui, et tantôt égal, subordonné, ou supérieur, selon que le génie des peuples et l’imagination de