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tière insensible qui comprime les âmes des hommes foibles et bornés…

Des docteurs chinois, moins hardis du moins que les nôtres, n’ont pas prétendu que l’ame fût immortelle par sa nature ; mais ils ont imaginé qu’elle pouvoit se fortifier, se conserver par l’exercice du bien, et devenir même impérissable à force de « vertus[1]. En cherchant le grand œuvre imaginaire de la physique, on a fait des découvertes heureuses ; j’aime mieux encore le grand œuvre de la morale, les efforts de ses enthousiastes sont quelquefois utiles aux hommes des siècles présens.

On objecte qu’il est consolant pour l’homme, qu’il est utile au vulgaire des hommes actuels de croire l’ame immortelle ; mais puisque cette croyance n’est pas une sanction indispensable à la morale de l’homme pensant, encore moins peut-être à celle de l’homme bon ; puisque de grands adversaires de l’immortalité ont eu de grandes vertus, et que de profonds scélérats ont cru la rénumération, convenons que l’on peut sans crime attaquer cette opinion vénérée,

  1. Voyez l’ouvrage de Pastoret, intitulé : Zoroastre Confucius et Mahomet comparés, etc., deuxième partie, art, premier, § sixième.