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principe inférieur que selon les rapports nécessaires et limités par la nature des choses qui existent entre les deux principes, voilà sa liberté circonscrite, et elle n’a de choix qu’entre un nombre déterminé d’objets. Dans tel homme le principe actif est absolument dominant, il agit par lui-même, et la pensée s’élève et s’étend ; dans tel autre, il est tellement entravé par la matière inférieure[1] qu’il n’agit même de son mouvement propre qu’à l’occasion des mouvemens qui lui sont ou qui lui ont été communiqués par les organes, et voilà l’homme stupide et dépendant. L’ame la plus libre n’est que la plus active ; elle est plus indépendante parce qu’elle est plus forte, et elle s’élève à des conceptions plus profondes et plus hardies, parce qu’elle est unie à des organes plus parfaits, et qu’elle-même domine davantage, dans cet individu, la ma-

  1. Je dis la matière inférieure, parce qu’elle le paroît ainsi à nos préventions ; mais sans doute il n’y a rien d’inférieur dans l’universalité des choses. Que la matière que je nomme indifférente soit une matière inerte, ce qui me paroît moins probable, les mêmes phénomènes résulteront toujours de son union avec la matière essentiellement active.