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commence l’empire et finit l’éternelle mémoire ?

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Les commodités nombreuses que produit le luxe ont séduit les philosophes même. Cependant elles coûtent bien plus à la société qu’elles ne lui donnent. Elles appauvrissent tout un peuple, pour amollir les riches et nourrir quelques pauvres qui sans elles ne l’eussent pas été. Elles sacrifient un nombre d’hommes et retiennent les autres dans l’assujettissement et les misères. En exaltant nos désirs, elles excitent nécessairement la cupidité, l’ambition, l’envie. Elles étouffent les penchans de la bienveillance ; elles font oublier les seuls plaisirs inépuisables, et mènent rapidement à cette inquiétude qui finit par le dégoût ou du moins l’indifférence de la vie, ordinaire et irrémédiable fléau des jouissances usurpées.

Les plaisirs simples peuvent seuls rester semblables, parce qu’ils n’ont pas besoin d’illusion ; ils raniment la vieillesse comme ils ont inspiré l’enfance. On naît avec eux, on vit par eux, on leur sourit encore à l’instant funèbre. Ils durent toujours parce qu’en effet ils n’ont jamais passé : étrangers à l’avenir, indifférens à ce qui ne sera peut-être pas comme