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ou sinistre, un climat polaire, un ciel brumeux contristent l’homme : leur âpreté n’offre que des difficultés à vaincre, et ne laisse au desir, comme à l’industrie, d’autre objet que l’adoucissement des maux. Cependant sur ces terres désolées nos misères seroient tolérables, si nos erreurs ne les aggravoient ; elles seroient oubliées peut-être, si dans l’unité d’intérêts et d’efforts nous savions les adoucir par tous les moyens qui sont en nous.

Les peuples chez qui les usages ne sont point des modes, et qui suivent dans les détails de la vie une habitude constante, ont seuls des mœurs caractérisées et durables. C’est la permanence des mœurs qui fait la durée de la législation et de l’existence civile d’un peuple. Vingt nations successives seront oubliées avant que les Parsis ou les Juifs aient cessé d’être ce qu’ils sont depuis tant de siècles ; avant que les Chinois aient changé leurs usages séculaires, leur caractère vieilli, leur morale savante et maniérée.

Dans le seul instant connu de l’histoire humaine, dont les variations et les incidens déterminent à nos yeux les bornes du possible, nulle instruction n’est durable si elle ne donne au peuple qui la reçoit une forme qui lui soit