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rappelle sans cesse par des regrets ineffaçables et nous ramène pour finir où nous avons commencé.

Nos peuples modernes se ressemblent tous dans la monotonie de leurs usages : cependant on reconnoît chez eux cette force de l’habitude ; quel seroit son pouvoir chez ceux qui auroient une législation et des mœurs, non des usages et des réglemens ?

Heureux le peuple qui, possédant une terre nouvelle sous un ciel favorable, a reçu de la nature tout le physique du bonheur, et n’a plus qu’à l’affermir sur la base morale d’une véritable institution. Il est peut-être plus naturel d’être vertueux dans les contrées sublimes, et plus doux encore de vivre heureusement sous un ciel facile. Mais une contrée muette

    aimer pas. Si l’amour de la patrie mène à l’aversion pour les autres peuples, c’est que les nations sont toujours opposées d’intérêts ; c’est que notre patrie, insensée et corrompue, a le désir et croit avoir le besoin de leur ruine ; c’est encore qu’en prétendant aimer notre patrie, nous ne voulons point le bonheur de nos concitoyens, mais nos avantages personnels que nous avons à la fois l’adresse et la simplicité d’attendre de la puissance, de la gloire, ou de l’agrandissement de notre patrie.