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sera semblable à lui-même, livré à l’inertie morale ou soutenu par la sagesse, embrasé par un sentiment effectif ou consumé par un besoin sans objet ; qui sera affecté des mêmes sensations sous les brumes de la Hollande, ou le ciel de Nice ; dans la monotonie des plaines, ou l’âpreté des monts ; dans la fétidité de nos prisons populeuses, ou l’inaltérable pureté des Alpes et de l’Atlas. Ainsi la pensée même de ce maître du globe dépend de la terre qu’il habite, des alimens qu’il prend, de l’air qu’il respire, des événemens qui l’entraînent, des sentimens qui l’affectent. Que de Leibnitz et de Marc-Aurèle morts dans leurs berceaux, abrutis chez les Kamschadales, déformés chez les Omaguas, ignorés dans la misère des chaumières européennes, entravés par les préjugés, éteints dans les ennuis !

De grands hommes ont établis des