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des climats et des événemens, et tu ne verrois pas encore en eux l’homme uniquement homme.

La multitude des soins de la vie soutient facilement ceux à qui tout suffit et que tout passionne ; mais il faut des sensations profondes à qui peut sentir profondément. Ces hommes que la nature entraîne si puissamment, et que l’art laisse insensible, éprouvent souvent cet état de suspension et de léthargie où tous les objets se décolorent, toutes les facultés s’éteignent, et la vie ne paroît plus qu’une pénible vanité. Homme de la nature cherche alors dans l’action des objets inanimés l’occasion de ce mouvement intérieur que tu ne peux plus produire[1]. C’est en cela surtout que tu

  1. Nous sommes modifiés par les sensations que nous recevons maintenant des objets extérieurs, et par les traces conservées des sensations reçues….. Quand nous n’éprouvons que ce qui est, il n’y a pas d’opposition entre nous et les choses, entre nous-mêmes sous un rapport, et nous-mêmes sous un autre rapport ; alors nous ne sommes pas malheureux de cette sorte de discordance fléau de l’homme social. Lorsque les organes de la pensée ont contracté l’habitude d’une perpétuelle activité, ils la conservent même dans le repos des autres organes. L’ennui est le sentiment de cette opposition entre cette agitation et ce repos partiels. L’inaction ne produit pas