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invariable, ses émanations sont nécessitées et toujours mobiles, Toute modification, tout rapport et des sons et des mouvemens et des formes et des nombres, tout accident sera produit, nul ne sera perpétué dans une durée sans bornes. La force une et irrésistible, seul principe inhérent à l’univers, seule cause de l’univers modifié, la nécessité, entraîne toutes choses dans une succession toujours changée et toujours illimitée. Dans cette éternité des essences toujours permanentes et des formes toujours mobiles ; dans cette infinité des lieux et des tems, un point est marqué à chaque individu, et pour l’espace et pour la durée. Vouloir exister dans le siècle actuel et dans le siècle futur, c’est vouloir vivre à la fois et dans les lieux présens et dans les lieux éloignés ; c’est vouloir être un autre que soi-même ; c’est vouloir qu’une chose soit au même moment où elle n’est ni ne peut être. Laisse ces plaintes si vaines ; use de tes jours rapides : veux-tu demander à la nature universelle pourquoi sa vaste conception n’est point modelée sur ton sentiment individuel ? veux-tu lutter contre l’irrésistible, et reculer ta dissolution dont tes forces mêmes sont les moyens, dont ta vie est l’inévitable préparation ? Par cela même que tu