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et qu’aimer au milieu de la folie des joies et de l’incertitude des principes ? Je desirai quitter la vie, bien plus fatigué du néant de ses biens qu’effrayé de tous ses maux. Bientôt mieux instruit par le malheur, je le trouvai douteux lui-même, et je connus qu’il étoit indifférent de vivre ou de ne vivre pas. Je me livrai donc sans choix, sans goût, sans intérêt au déroulement de mes jours. Au milieu des dégoûts et de l’apathie, où ma raison détrompée retenoit mon cœur aimant, mes plus fréquentes impressions étoient la réaction sur moi des misères de mes semblables. Je cherchai leurs causes, et je vis qu’à l’exception de quelques douleurs instantanées, tolérables ou mortelles, qui dès-lors ne pourroient constituer un état de malheur, tous les maux de l’humanité découloient d’erreurs locales et accidentelles ; qu’ainsi le sort