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PRUDENCE.

Aussi n’est-ce pas à lui que je m’adresse, mais à vous. Je ne veux que la paix, moi, et pas autre chose.

— La paix armée, je crois, dit le grand Anglais avec un accent très prononcé.

LA NOURRICE.

Ah ! vous êtes un milord, vous ! Ne vous mêlez pas de nos affaires, s’il vous plaît. Quand les Anglais vous arrivent à la traverse, ils font toujours du gâchis !

— Quoi c’est gâchis ? » demanda l’Anglais.

Un des Polonais voulut expliquer à l’Anglais dans son jargon ce qu’on entend en français par le mot gâchis ; il mêla à son explication des allusions fort claires à la politique suivie par le gouvernement anglais dans les affaires de l’Europe.

« Moi comprends pas, » dit l’Anglais avec calme ; et il resta silencieux ; mais sa rougeur, son air mécontent prouvaient qu’il avait compris.

Prudence approuvait le Polonais du sourire ; on approchait du Mans ; les Polonais espéraient voir récompenser leur persévérance à aider et soutenir Prudence et ses enfants, par une invitation à dîner.

Leur espoir ne fut pas trompé. Quand le train s’arrêta et que les Polonais eurent fait comprendre à Prudence que les voyageurs descendaient pour