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les femmes s’il avait vécu ! Juste assez brun pour n’être pas traité de « blanc » par les Jaunes… Et un dépoli de la peau déjà froide très semblable au toucher délicat de l’épiderme chinois…

Donc, sans blessure, et déjà froid, René Leys est mort, peu de temps après m’avoir quitté, avant-hier. Mais, de quel poison ?

Si je posais ce doute, les médecins exigeraient l’autopsie. L’analyse intestinale… la profanation de ce beau corps que je revêts et recouvre… Je ne poserai point ce doute ; je veux cependant, non pas en médecin, mais en homme, je veux savoir à quoi la mort est due.

Jusqu’ici, de tout ce qui précède, un seul fait est certain. René Leys est mort et point de mort naturelle, qui, d’ailleurs, pour les bons taoïstes, n’existe pas. Quand on a vécu près de lui à grande allure, à grande action, on sent que ses organes étaient bons. — Et l’on pourrait conclure : empoisonné par ses confrères, ses compétiteurs… ses rivaux… Mais je sais bien que les Chinois évitent le poison rapide, aussi dangereux pour le cuisinier que pour sa victime, et s’adressent toujours aux poisons lents qu’ils manient avec sécurité.

Alors, est-il mort empoisonné… par Lui ?

Mais pourquoi ? C’est vrai, ses « affaires dynastiques » allaient depuis quelque temps assez mal. L’abdication… Mais elle a dû être payée… Et il avait « tout perdu » dans la faillite de sa banque.