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maintenant mon siège fait. Ce jeune homme, bien que nubile et non défloré, ce jeune homme si bien doué quand il faut agir et parler en chinois, n’a pas plus éprouvé d’hésitation à se découvrir, par raison politique ou autre, une impératrice dans les bras, qu’il n’en eut l’autre nuit, quand, par malice ou aventure, au restaurant, le sixième fils du duc Mongol — Ngo-ko — lui a mis dans les mains le violon public qui traîne sur toutes les tables des maisons privées de Ts’ien-men-Waï… Ce qu’il en a fait ? Il a joué, tout simplement, — naturellement.

Je me sens ragaillardi, et comblé. Pourquoi ce boy me remet-il à cette même heure, à la même heure ! cette lettre ridicule, — cette lettre parfaitement ignoble et à jeter sans aucune réponse, au panier. N’ayant point de « panier » dans mon bureau impeccablement chinois, je la roule et la lance rageusement à travers le ciel de ma cour, par-dessus le toit de l’écurie.

Elle devait contenir à peu près ceci :

— « Monsieur, puisque vous vous intéressez au nommé Leys René, et que vous avez l’avantage de le recevoir toutes les nuits à coucher dans votre immeuble, — que vous sachiez qu’il m’a emprunté cinquante dollars que je ne peux pas rattraper.

» Quand je lui dis ça, il me dit qu’il me paiera quand on l’aura payé. Et moi je vous dis qu’il n’est plus professeur à son école. C’est un sans-le-sou et sur le pavé. Veuillez me faire rembourser, et j’ai