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monde, — s’il se pouvait par delà le Ciel trop humain. C’est le Voyage.

Non pas dans les nues ; — comme la longue et lourde chenille bavant à tous les pas, il est collé au plan terrestre. Reconnaissez malgré tout l’artifice, magique malgré tout, du Peintre en plein geste de synthèse : l’Étendue, il vous la réduit et la condense comme l’air vitrifié par l’alchimiste à son fourneau ; vous en disposez entre vos mains : vous la roulez de l’une à l’autre ; vous fixerez le paysage fuyant, et vous poserez où il vous plaira le domaine de votre vue.

Et bien qu’ici tous les personnages soient en mouvement et marchent vite, tous ces tributaires, parfois bien montés, vous les dépasserez du tranchant de vos ongles comme un esprit aiguisé rattrape et devance le cours des moments. Vous pourriez même obliger les Cortèges à reculer et les fleuves à reboire leurs sources… Vous ne le ferez pas ! Vous ne reviendrez pas en arrière : et vous ne croi-