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Pol-Roux, le maximum d’art en littérature, ne peut être acquis que par un contingent relevant de tous les sens fédérés et finalement contrôlés par ce que je dénommai jadis le « Vatican des sensations », c’est-à-dire, l’esprit. — Oui, la grappe des sens écrasée au pressoir de l’esprit, et voici réalisé le vin de l’expression forte… L’art est devenu complet, synthétique, symphonique. »

Ayant uni nos sensations nous pouvons en élargir le champ. Car dans l’échelle infinie des mouvements vibratoires, quelques modalités seulement sont matière, encore, à joie des sens. Nous pouvons les étendre, ne plus nous contenter des sept couleurs du spectre[1], des sept degrés du diatonisme… Nous avons forcé les rayons ultra-violets à se déceler, assoupli d’accidents les gammes archaïques. Allons au delà. Nous baignons en une mer d’ondulations inconnues dont chaque rythme, chaque période est peut-être élément artistique, « source latente de jouissances. Surprenons-les, violons la nature, s’il le faut, c’est notre droit[2] ».

Ainsi, à l’entour du Sphinx impassible voletait, avide et curieuse, la Chimère :

Je cherche des parfums nouveaux, des fleurs plus larges et des plaisirs inéprouvés[3].

Mais le Sphinx, longtemps, restait impénétrable, immobile et muet.


VICTOR SÉGALEN.
  1. Moreau (de Tours) commentant Millet.
  2. Ibid.
  3. Flaubert : La Tentation de Saint-Antoine.