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M. Max Nordau confond, semble-t-il, le chaos sensoriel qui précéda le développement des appareils perceptifs avec la tendance synthétique qui en est l’aboutissant actuel. Certes, avant de la tenter, cette synthèse, il était nécessaire de prendre conscience de ses éléments. Puis, les ayant spécialisés, il était permis de les fusionner à nouveau, non plus, cette fois, en un pêle-mêle chaotique — cette « gélatine sans physionomie dont il nous parle », mais en une ordonnance consciente, sans pour cela être taxé de régressif, ni supposé réduit aux états d’âme d’un mollusque, même possesseur du fameux siphon. Les corrélations sensorielles ont, en la complexité de leur nature, quelque morbidité. — Mais, en leur essence, elles nous semblent, nous le répétons, normales, et adéquates à l’éternelle Procession des Idées, à cette grande loi qui fait succéder l’Analyse au chaos, la Synthèse à l’analyse.

Cette formule est celle de toute science : la Physique et la Chimie ne furent d’abord que Métaphysique et Alchimie, amas ténébreux de systèmes généraux… puis l’Analyse en vint illuminer la marche : la grande triade des Scheele, Lavoisier, Priestley commença la dissociation des éléments. Et ceux-ci, de nos jours, se rapprochent et refusionnent aux tendances unitaires de la chimie moderne, cependant que les forces révèlent leurs équivalences et leurs infinies transmutations (Jouve, Maxwell). Tout cela est progrès, certes, et n’a rien de commun avec les dissertations simplistes des premiers physiciens et des vieux hermétistes.

C’est enfin l’allure même du mouvement philo-

    rentiel nécessaire, mais seulement aux débuts de l’évolution sensorielle.