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Jusqu’ici nous avons supposé que le second terme de nos correspondances est forcément une Image. Mais ce terme peut s’abstraire, quitter le domaine des sens, et, par une sorte d’intime lévitation, devenir Sentiment. Et la science, subtile et précieuse, de ces Analogies d’un rang supérieur est la Symbolique. Le symbole, c’est la substitution, au terme Primaire, de l’élément évoqué par ce terme. Le leit-motif est un symbole spécialisé.

Le terme Primaire peut être sous-entendu. C’est la forme courante et concise, obscure aussi parfois à force de subjectivité. Mais souvent les deux éléments sont exprimés : Ainsi, tout au long des « Oraisons Mauvaises » — sorte de Chemin de Croix délicieux et pervers dont chaque station procède d’une Gemme — se déroulent, clôturant les stances, de subtiles analogies de sentiments. Les images lapidaires — issues elles-mêmes de visions charnelles — engendrent chacune un symbole mystique scrupuleusement adéquat à leurs légendes, leurs reflets, leurs « personnalités cristallines ».

Que tes mains soient bénies, car elles sont impures !
Elles ont des péchés secrets à toutes les jointures ;
Lys d’épouvante, leurs Ongles blancs font penser sous la lampe
À des hosties volées dans l’ombre blanche, sous la Lampe,
Et l’opale prisonnière qui se meurt à ton doigt,
C’est le dernier soupir de Jésus sur la croix.

Ainsi l’Opale, la triste et dolente Opale, est évocatrice d’agonie… Pour le Saphir, ce

… douloureux saphir d’amertume et d’effroi,
C’est le dernier regard de Jésus sur la croix.

L’Hyacinthe, plus tendre

… avec un air triste de roi,
C’est le dernier amour de Jésus sur la croix.