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koba soupira avec tristesse, la poitrine gonflée d’un grand dépit.

Car c’était le seul espoir. Et aussi la seule ruse : qu’une femme s’employât à les obtenir. Mais quelle femme, ayant reçu de tels présents, consentirait à les céder au diacre pour le temple, sans autre bénéfice que d’accomplir une si louable action. Il songea très vite à l’excellente épouse Rébéka. Il douta qu’elle sût plaire au Farani : les étrangers n’aiment pas les épouses trop vieilles d’années… Ha ! mais… Eréna, petite et caresseuse, et pas encore fatiguée des tané de toute sorte… Le diacre se réjouissait, quand d’autres craintes lui montèrent aux lèvres. Les Missionnaires n’avaient-ils pas défendu… et le Livre ne disait-il pas : « Tu ne profaneras point ta fille en la livrant à la prostitution, de peur que le pays ne se prostitue et ne se remplisse de crimes… » mais, — « prostitution » — les Professeurs de Christianité ne se trouvaient pas d’accord exactement là-dessus. Il semblait bien que la chose pût s’accomplir avec décence, et discrètement. Iakoba résolut d’interroger le Livre. Il l’ouvrit au hasard du doigt et lut, non sans peine :

« Si la fille d’un prêtre se déshonore en se prostituant, elle déshonorera son père ; elle sera brûlée au feu ». « La fille d’un prêtre » ! Eréna n’était point sa vraie fille, et quant au feu, l’usage en était bien abandonné, même par la Loi nouvelle. Peut-être ne s’agissait-il que « du feu éternel ». Il poursuivit