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sons techniques, aux métaphores scientifico-littéraires, à l’argot de toutes les professions. Puis, la stricte synonymie ne lui suffisant plus, il a recours à la féconde Analogie, dont un curieux manuel, le « Dictionnaire des analogies » put d’ailleurs lui faciliter l’usage[1]. L’étude détaillée de cette « écriture » et de sa particulière beauté sera plus à sa place dans notre prochaine étude. Nous signalerons pourtant ici la note de pittoresque et de vérité historique qu’il a su donner à chacune de ses métaphores médicales. Du plus pur modernisme quand il peint l’ataxique de nos jours[2] ou formule le dernier mode de traitement de la neurasthénie[3], il redevient justement médiéval et surabonde en archaïsmes savoureux s’il remonte aux époques passées[4].

L’usage des termes techniques n’est donc qu’une indication de travail chez Huysmans, romancier. Leur proscription à peu près totale devient chez Ibsen, dramaturge, nécessité de métier. Ibsen pourtant, avait, comme Flaubert, de personnels souvenirs médicaux. Mais le style de théâtre a ses exigences propres, ses bornes étroites. On ne peut — toute question de censure mise à part — dire et faire dire tout ce que l’on écrit : le même mot qui, aperçu avec sa forme propre et son aspect typographique se pardonne ou s’admire, devient vite, entendu et défiguré par l’acoustique artificielle de la rampe, insupportable d’invraisemblance ou de pédantisme. — Et cela même lorsqu’il sort d’une bouche autorisée — Les rôles de médecins sont particulièrement délicats à traiter, car ils oscillent forcément entre la terminologie vague des mentalités moyennes, ou le répertoire magistral de l’enseignement technique. M. de Curel, dans sa « Nouvelle

  1. P. Boissière, Dictionnaire analogique de la langue française. Répertoire complet des mots par les idées et des idées par les mots. Paris, Aug. Boyer, édit., 49, rue Saint-André-des-Arts.
  2. En Rade.
  3. À Rebours.
  4. Vie de Sainte Lydwine.