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apôtre, prêchant d’exemple et de parole : « Songez donc, me disait-il, la vie de l’être, de l’Humanité, est là toute entière !… »

« … Quand je fis mes expériences sur l’aimantation, il prit feu comme toujours. « Mais c’est du magnétisme » s’écriait-il. Et il rappelait les expériences de Puységur, de du Potet, etc. Il ne fut pas moins intéressé par les phénomènes de suggestion. Charcot s’était arrêté au Braidisme j’arrivai jusqu’à la suggestion. La préface de Brown-Séquard en tête du livre de Braid, les travaux de Carpenter sur l’Expectant Attention m’avaient dessillé les yeux. Charcot avait nié Burcq pendant longtemps, mais à la fin de sa vie il lui rendit un sérieux hommage.

» … Quand je causais de tout cela avec Dumas : « Mais c’est un monde nouveau » s’écriait-il[1]. « C’était, ajoute l’éminent professeur un grand curieux ». Curiosité pure, croyons-nous en effet de la part d’un esprit aussi radicalement sceptique en matière de médecine. Il avait d’ailleurs, sur une note assez désinvolte, répondu à ce sujet au Dr Cabanès en 1891 :

« … Je n’ai fait aucune étude médicale suivie, j’ai lu beaucoup de livres de médecine, de physiologie et de biologie :

» Le dictionnaire de Robin et de Littré, le livre de Broca, avec préface de Pozzi, la clinique de Charcot, l’anthropologie de Bossu, mais tout cela bien décousu et bien incohérent ».

Il termine finement :

« … Je ne crois pas beaucoup à la médecine, ce qui me permet d’aimer beaucoup les médecins, n’ayant plus rien à redouter d’eux. C’est surtout ainsi que j’ai appris le peu que je sais en physiologie… »[2].

Questionné sur le même sujet par le Dr Cabanès, E. de Goncourt avait peu insisté sur son répertoire bibliographique. On sent, en sa réponse brève, une nuance légère de dédain pour l’artificiel de cette méthode. « La chevelure électrique de la fille Élisa, c’est pris dans un livre ou dans une brochure de médecine dont je ne me rappelle plus le titre ni le nom de l’auteur »[3].

  1. Chronique médicale, 15 décembre 1895, p. 741-743.
  2. Chronique médicale, 15 décembre 1895, p. 749.
  3. M. le Dr Féré (Pathologie des émotions, préface) a retrouvé d’ailleurs la filiation