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Les fonctions digestives relevées, on devait « attaquer la névrose nullement guérie » nécessitant « des années de régime et de soins » et d’abord l’obliger à « rentrer dans la vie commune ».

Pas plus qu’À rebours pour M. Huysmans, le Horla n’est, pour Guy de Maupassant autobiographie faisant, en matière de diagnostic personnel, foi et lumière. L’appareil des symptômes qui s’y déroulent, les hallucinations, les tristesses, les craintes qui en font un terrible drame de Phobie… la Phobie de l’Invisible, tout cela est vrai, effrayamment vrai. « Le Horla, l’être fantastique, l’invisible puissance dont on subit d’abord le voisinage mystérieux le Horla intangible mais réel, qui possède les âmes et abolit les volontés, tue le courage ; « ce rôdeur d’une race surnaturelle », n’est-ce pas la folie qui rôde sans cesse autour du lettré, le guette, prête à fondre sur lui pour « en faire sa chose, un dément qu’on enfermera vivant dans une cellule qui s’ouvre sur une tombe ? »

Ainsi commente très judicieusement Burlat[1] mais il conclut un peu à la légère en étiquetant le Horla « une œuvre de folie par un candidat à la folie »[2], généralisant ainsi à la mentalité de l’auteur quelques troubles seulement épisodiques de sa vie morbide. Ce ne fut point la folie mais la paralysie générale qui terrassa Maupassant. Et la terrible diathèse ne comporte point d’hallucinations. Nous les attribuerons, avec le Dr  Régis, aux intoxications variées dont, à plaisir, l’auteur du Horla avait pris soin lui-même de compliquer sa mentalité.

Les qualités de vie, de puissance, signalées plus haut comme spéciales à l’auto-observation rendirent jaloux ceux qui n’en pouvaient disposer. Devant le succès de cette méthode — apa-

  1. Burlat, Le roman médical. Thèse Montpellier, 1898.
  2. Ibidem.