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recluse et le mouvement d’une existence libérée avait été trop brusque ». Une très vive impression causée par la contemplation de plantes exotiques et monstrueuses fait éclater la crise.

État actuel.Habitus extérieur : « Grêle jeune homme de 30 ans, anémique et nerveux, aux joues caves, aux yeux d’un bleu froid d’acier, au nez éventé et pourtant droit, aux mains sèches et fluettes ».

Signes généraux : Il entreprend assez facilement une œuvre, mais la fatigue vient vite avec des étourdissements, un besoin de s’appuyer ou de s’asseoir s’il est debout. Elle persiste « ébranlant encore ses nerfs rompus, le jetant dans une telle prostration » qu’il s’affaisse évanoui, presque mourant.

Il est sensible aux variations atmosphériques, « semblable à tous les gens tourmentés par la névrose, la chaleur l’accablait ».

Parmi les stimulants habituels, l’alcool lui fait éprouver, « durant quelques minutes, un soulagement » mais accroît ensuite les défaillances.

Symptômes nerveux. — État mental : Il est tourmenté d’inquiétudes. La crainte de cette maladie avait fini par déterminer la maladie elle-même. Incapable d’une activité quelconque, « il était maintenant incapable de comprendre un mot aux volumes qu’il consultait », il se rangeait parmi ces épigones de Nietzsche, toujours tournés vers le passé.

« Son ennui devint sans borne, des obsessions libertines et mystiques hantaient, en se confondant, son cerveau. Il sortait de ces rêveries anéanti, brisé, presque moribond ».

Cauchemars, insomnie : « Il craignit de s’endormir… il resta étendu sur son lit des heures entières, tantôt dans de persistantes insomnies et de fiévreuses agitations, tantôt dans d’abominables rêves que rompaient des sursauts d’homme perdant pied, dégringolant du haut en bas d’un escalier, dévalant sans pouvoir se retenir au fond d’un gouffre ».

« Les couvertures le gênaient, il étouffait sous les draps et il avait des fourmillements par tout le corps, des cuissons de sang, des piqûres de puces le long des jambes ».

Troubles de la sensibilité. — Hallucinations de l’odorat : « Sa chambre embauma la frangipane ; il vérifia si un flacon ne traînait