Page:Scott - Nain noir. Les puritains d'Ecosse, trad. Defauconpret, Garnier, 1933.djvu/77

Cette page a été validée par deux contributeurs.
65
LE NAIN NOIR

— Oui-da ! répliqua Mareschal, et vous les enverrez sans doute par une compagnie de cavalerie de Carlisle qui nous emmènera prisonniers ? — Écoutez-moi, sir Frédéric : je ne suis pas un de ces hommes qui se laissent abandonner ou trahir. Si vous sortez du château d’Ellieslaw, ce ne sera qu’en marchant sur mon cadavre.

— N’êtes-vous pas honteux, Mareschal ? dit M. Vere : comment pouvez-vous interpréter ainsi les intentions de notre ami ? Il a trop d’honneur pour penser à déserter notre cause ; et d’ailleurs il ne peut oublier les preuves que nous avons de son adhésion à nos projets. Il doit savoir aussi que le premier avis qu’on en donnera au gouvernement sera bien accueilli, et qu’il nous est facile de le gagner de vitesse.

— Dites moi, et non pas nous, quand vous parlez de gagner de vitesse pour se déshonorer par une trahison, s’écria Mareschal ; quant à moi, jamais je ne monterai à cheval dans un tel dessein.

— Un joli couple d’amis pour leur confier sa tête ! ajouta-t-il entre ses dents.

— Ce n’est point par des menaces qu’on m’empêche d’agir comme je le juge convenable, dit sir Frédéric, et je partirai bien certainement. Je ne suis point obligé, ajouta-t-il en regardant Ellieslaw, de garder ma parole à un homme qui a manqué à la sienne.

— En quoi y ai-je manqué ? dit celui-ci ; de quoi avez-vous à vous plaindre ?

— D’avoir été joué relativement à l’alliance à laquelle vous aviez consenti, et qui devait être le gage de notre liaison politique. Cet enlèvement de miss Vere, si admirablement concerté, sa rentrée si miraculeuse, la froideur qu’elle m’a témoignée, les excuses dont vous avez cherché à la couvrir, ce sont là autant de prétextes dont vous êtes bien aise de vous servir pour conserver la jouissance des biens qui lui appartiennent, et auxquels vous devez renoncer en la mariant. Vous ayez voulu faire de moi un jouet pour vous en servir dans une entreprise désespérée, et voilà pourquoi vous m’avez donné des espérances sans avoir l’intention de les réaliser.

— Sir Frédéric, je vous proteste par tout ce qu’il y a de plus sacré…

— Je n’écoute pas vos protestations.

— Mais songez donc que si nous nous divisons, votre ruine est aussi certaine que la nôtre. De notre union seule dépend notre sûreté.

— Laissez-moi le soin de la mienne ; mais, ce que vous dites fût-il vrai, j’aimerais mieux mourir que d’être encore votre dupe.

— Rien ne saurait-il vous convaincre de ma sincérité ? Ce matin