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LE NAIN NOIR

— Soit, Monsieur, répliqua Ellieslaw. Vous n’avez rien à redouter, parce que vous êtes au-dessous de mon ressentiment, et non parce que j’ai à craindre que vous ne découvriez quelque secret de famille. Vos soins et votre entremise sont fort inutiles à un homme qui a tout à perdre ou tout à gagner. Adieu.

Ratcliffe lança un regard expressif qu’Ellieslaw ne put soutenir sans baisser les yeux, puis, saluant la compagnie, il se retira.

Cette conversation avait produit, sur une partie de ceux qui l’avaient entendue, une impression qu’Ellieslaw se hâta de dissiper en faisant tomber l’entretien sur les affaires du jour. On convint que l’insurrection serait organisée sur-le-champ. Ellieslaw, Mareschal et sir Frédéric Langley en furent nommés les chefs avec pouvoir de diriger toutes les mesures ultérieures. On fixa, pour le lendemain de bonne heure, un lieu de rendez vous où chacun se trouverait en armes avec tous les partisans qu’il pourrait rassembler.

Tout ayant été ainsi réglé, Ellieslaw demanda à ceux qui restaient encore à boire avec Westburnflat et le vieux contrebandier la permission de se retirer avec ses deux collègues, afin de délibérer librement sur les mesures qu’ils avaient à prendre. Cette excuse fut acceptée d’autant plus volontiers qu’il y joignit l’invitation de ne pas épargner sa cave. Le départ des chefs fut salué par de bruyantes acclamations, et les santés d’Ellieslaw, de sir Frédéric, et surtout celle de Mareschal, furent portées plus d’une fois en grand chorus pendant le reste de la soirée.

Lorsque les trois chefs se furent retirés dans un appartement séparé, ils se regardèrent un moment avec une sorte d’embarras. Mareschal fut le premier à rompre le silence. — Eh bien, Messieurs, dit-il avec un éclat de rire, nous voilà embarqués. — Vogue la galère !

— C’est vous que nous devons en remercier, dit Ellieslaw.

— Cela est vrai ; mais je ne sais si vous me remercierez encore quand vous aurez lu cette lettre. Je l’ai reçue au moment de nous mettre à table ; elle avait été remise à mon domestique par un homme qu’il ne connaît pas, et qui est reparti au grand galop sans vouloir s’arrêter une minute. — Lisez.

Ellieslaw prit le papier d’un air d’impatience, et lut ce qui suit :

« Edimbourg.

« Monsieur, — Ayant des obligations à votre famille, et sachant que vous êtes en relation d’affaires avec Jacques et compagnie, autrefois négociants à Londres, maintenant à Dunkerque, je crois devoir me hâter de vous faire part que les vaisseaux que vous