Page:Scott - Nain noir. Les puritains d'Ecosse, trad. Defauconpret, Garnier, 1933.djvu/55

Cette page a été validée par deux contributeurs.
45
le nain noir

pas ma faute ! C’est Jenny, ce sont les autres qu’il faut embrasser, car c’est à elles qu’appartient l’idée.

— Eh bien, mon enfant, dit la bonne vieille, qui ne perdait jamais une occasion d’inspirer des sentiments religieux à sa famille, remerciez donc celui qui vous accorde ce bienfait.

— Oui, ma mère, et je l’en remercie bien.

Après quelques prières et un moment de recueillement solennel la première question d’Hobbie fut de demander à Grâce le récit de ses aventures. Elle lui dit qu’éveillée par le bruit que les brigands faisaient dans la ferme, elle s’était levée à la hâte, et que, voyant les flammes monter de tous les côtés, elle songeait à se sauver, lorsque, le masque de Westburnflat étant venu à tomber, elle avait eu l’imprudence de prononcer son nom ; qu’aussitôt il lui avait lié un mouchoir sur la bouche, et l’avait placée en croupe derrière un de ses compagnons.

— Je lui casserai sa tête maudite.

Grace, reprenant son récit, lui dit qu’on l’avait emmenée vers le sud, mais qu’à peine la troupe était-elle entrée dans le Cumberland, un homme, connu d’elle pour être cousin de Westburnflat, accourant à toute bride, vint parler au chef de la bande ; qu’après une courte consultation, celui-ci lui dit qu’on allait la reconduire à Heugh-Foot. On l’avait placée derrière le dernier venu, qui l’avait ramenée en toute diligence, et sans lui dire un seul mot, jusqu’à environ un quart de mille de la chaumière d’Annaple, où il l’avait laissée.

Les deux frères d’Hobbie étaient arrivés dans la journée. Après avoir appris les événements de la nuit précédente, ils étaient partis pour se mettre aussi à la recherche des brigands ; et n’en ayant découvert aucune trace, ils rentraient en ce moment. Ils furent ravis de retrouver Grace, qui fut obligée de recommencer sa narration. À son tour, Hobbie conta son expédition à Westburnflat ; et, après avoir joui du plaisir de retrouver sa maîtresse, des réflexions d’un genre plus triste commencèrent à se présenter à son esprit. — Je ne suis embarrassé ni pour mes frères ni pour moi, dit-il : nous dormirons à côté du bidet ; mais vous autres, comment allez-vous passer la nuit ici ?

— N’est-ce pas une chose barbare, dit une des sœurs, d’avoir réduit une pauvre famille à un état si déplorable ?

— S’ils avaient quelque rancune contre nous, n’étions-nous pas bons pour nous battre contre eux ?… Et il faut que tous les trois nous ayons été absents ! Si nous nous étions trouvés ici, l’estomac de Will Græme n’aurait pas eu besoin de son déjeuner ce matin, Mais il ne perdra rien pour attendre.