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le nain noir

troite ouverture, vint effleurer la joue du scélérat et en fit jaillir le sang. Willie s’aperçut probablement que son poste ne le mettait plus en sûreté, car il demanda aussitôt à parlementer.

— Pourquoi, dit-il, venez-vous attaquer un homme paisible ?

— Parce que vous retenez une prisonnière, et que nous avons résolu de la délivrer, répondit Earnscliff.

— Et quel intérêt prenez-vous à elle ?

— C’est ce que vous n’avez pas le droit de nous demander,

— Ah ! je puis au moins m’en douter ! Au surplus, je n’ai pas envie de me faire une querelle à mort en versant le sang d’aucun de vous, quoique Earnscliff, qui sait viser si juste, n’ait pas craint de verser le mien. Pour prévenir de plus grands malheurs, je consens à vous rendre ma prisonnière, puisque vous ne vous en irez qu’à cette condition.

— Et tout ce que vous avez volé à Hobbie, s’écria Simon. Croyez-vous que nous souffrirons que vous veniez piller nos étables.

— Je sais ce qui est arrivé à Hobbie, répliqua le brigand ; mais sur mon âme et conscience, il n’y a pas dans la tour un clou qui lui appartienne : tout a été emporté dans le Cumberland. Je connais les voleurs, je vous promets de lui faire rendre tout ce qui pourra se retrouver. Si, dans trois jours, il veut aller à Castleton avec deux amis, je m’y rendrai avec deux des miens, et je tâcherai de lui donner satisfaction.

— C’est bon ! cria Hobbie. Tâchons seulement de tirer la pauvre Grace des griffes de ce scélérat.

— Earnscliff, demanda le brigand, me donnez-vous votre parole que je serai libre de sortir de la tour et d’y rentrer ? Je demande cinq minutes pour ouvrir la porte, et autant pour en fermer les verrous ; me le promettez-vous ?

— Vous aurez tout le temps qui vous sera nécessaire ; je vous en donne ma parole.

La porte de la tour fut ouverte ; Willie en sortit avec une jeune femme, et sa vieille mère se tint auprès, comme en sentinelle. — Voilà ma prisonnière, dit le brigand ; je vous la livre saine et sauve ; qu’un ou deux d’entre vous s’approchent pour la recevoir. Earnscliff restait immobile de surprise. Ce n’était pas Grace Armstrong, mais miss Isabelle Vere qui était devant ses yeux.

— Ce n’est pas Grace, s’écria Hobbie en accourant vers Willie et le couchant en joue : où est Grace ? Qu’en as-tu fait ?

— Songez que j’ai donné ma parole, Hobbie, dit Earnscliff en détournant l’arme.

Le maraudeur avait pâli ; en se voyant ainsi protégé, il reprit courage. — Elle n’est pas entre mes mains, dit-il ; si vous en doutez,