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LES PURITAINS D’ÉCOSSE

Que le ciel soit loué de m’avoir laissé l’ouïe quand il m’a retiré la vue !

Elle le conduisit derrière la maison, près d’une chambre où deux dragons vidaient un pot de bière. Morton ne pouvait ni les voir ni en être vu, mais il entendit leur conversation.

— Plus j’y pense, disait l’un, moins cela me plaît. Lord Evandale était un bon officier, et s’il nous a punis après l’affaire de Tillietudlem ma foi, Inglis, il faut convenir que nous l’avions bien mérité.

— Que le diable m’emporte si je lui pardonne pour cela ! répondit Inglis ; mais n’importe, je vais lui donner à mon tour du fil à retordre.

— Nous ferions mieux de nous réunir à lui.

— Tu n’es qu’un âne ! Il a laissé passer l’heure parce que Holliday a vu un esprit, et parce que sa maîtresse a des bluettes. À présent, le secret ne sera pas gardé pendant deux jours : et pour qui sera la récompense ? pour celui qui aura chanté le premier.

— Mais ce Basile Olifant paiera-t-il bien ?

— Comme un prince. Il n’y a personne au monde qu’il haïsse autant qu’Evandale, et il craint toujours d’avoir avec lui quelque procès pour les biens de Tillietudlem lorsqu’il aura épousé miss Bellenden ; s’il se trouvait hors de son chemin, adieu toute inquiétude.

— Mais aurons-nous un mandat d’arrêt contre lui, et une force suffisante pour le mettre à exécution ? Nous ne trouverons pas beaucoup de gens disposés à agir contre le capitaine. Il se défendra comme un lion.

— Tu parles comme si tu étais un poltron. Evandale demeure seul à Fairy-Knowe, pour ne pas donner de soupçons : il ne peut y avoir auprès de lui qu’Holliday et le vieux Gudyil. Olifant est juge de paix ; il signera un mandat, et nous donnera quelques-uns de ses gens. Il m’a dit qu’il nous ferait accompagner par un ancien chef de puritains, un diable incarné, nommé Quintin Mackell, qui se battra d’autant mieux qu’il a une vieille dent contre Evandale.

— À la bonne heure. Au surplus vous êtes mon supérieur, et si cela tourne mal…

— J’en prends le blâme pour moi. Allons, encore un pot de bière, et partons pour Tillietudlem, — Holà, hé ! Bessie Maclure,

— Retenez-les autant que vous pourrez, dit Morton à son hôtesse, je n’ai besoin que de gagner du temps.

Il courut prendre son cheval. — Où irai-je ? dit-il. À Fairy-Knowe ? Non ; à moi seul je ne suffirais pas pour les défendre. Courons à Glascow : Wittenbold, qui y commande, me donnera un détachement, et me procurera le secours de l’autorité civile.