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LES PURITAINS D’ÉCOSSE

— Lord Evandale et sa fiancée, répondit Morton. Pensez mieux du genre humain, et croyez qu’il existe des hommes capables de sacrifier leur bonheur à celui des autres.

— Eh bien, de tous les êtres qui portent l’épée, tu es, sur mon âme ! le plus pacifique et le moins sensible aux injures. Quoi ! tu veux mettre dans les bras de ce maudit Evandale la femme que tu aimes depuis si longtemps ! C’est pour un rival que tu veux lui faire rendre des biens dont de puissantes considérations l’ont privée ! Tu crois qu’il rampe sur la terre un autre homme, offensé plus que toi peut-être, et cependant assez insensible pour penser ainsi ; et tu as osé supposer que cet homme sera John Balfour !

— Monsieur Burley, je ne dois compte qu’au ciel des sentiments qui m’animent. Quant à vous, que vous importe que Tillietudlem appartienne à Basile Olifant ou à lord Evandale ?

— Tu es dans l’erreur. Il est vrai que tous deux ils sont des fils des ténèbres, mais ce Basile Olifant est un misérable dont la fortune et le pouvoir sont à la disposition de celui qui peut l’en priver. La rage de n’avoir pu obtenir la possession de ces biens l’a jeté dans notre parti : il s’est fait papiste pour en devenir le maître ; il est maintenant partisan de Guillaume, afin de les conserver ; et il sera tout ce que je voudrai qu’il devienne, tant que j’aurai entre les mains la pièce qui peut l’en déposséder, et dont je ne me suis jamais dessaisi. Il les conservera donc, à moins que je ne sois sûr de les donner à un ardent et véritable ami. Mais lord Evandale est un réprouvé. Les biens de ce monde ne sont pour lui que les feuilles tombées d’un arbre. Les vertus mondaines des hommes qui lui ressemblent sont plus dangereuses pour notre cause que la cupidité sordide de ceux qui sont gouvernés par leur intérêt personnel.

— Tout cela pouvait être fort bon il y a quelques années, dit Morton. Mais dans les temps actuels, il me semble sans utilité pour vous de conserver sur Olifant l’influence dont vous me parlez. Quel usage en pouvez-vous faire ? Nous jouissons de la paix et de la liberté civile et religieuse : que désirez-vous de plus ?

— Ce que je veux de plus ? s’écria Burley en tirant son épée hors du fourreau. Regarde les brèches de cette arme ; il y en a trois : les vois-tu ?

— Oui ; mais que voulez-vous dire ?

— Le fragment d’acier qui manque à cette première brèche resta dans le crâne du perfide qui le premier introduisit l’épiscopat en Écosse ; cette seconde entaille fut faite sur le sein d’un impie ; la troisième est la trace d’un coup porté sur le casque de l’officier qui défendait la chapelle d’Holyrood lorsque le peuple s’insurgea,