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LES PURITAINS D’ÉCOSSE

sa prudence, de la manière libérale dont il jugeait les diverses factions qui déchiraient son pays, et de la clarté avec laquelle il lui développa leurs vues et leurs projets. — Je vous attacherais volontiers à ma personne, lui dit Guillaume ; mais je ne pourrais le faire sans donner de l’ombrage à l’Angleterre. Je n’en suis pas moins disposé à vous rendre service, autant par intérêt pour vous-même que par égard pour la recommandation que vous m’avez envoyée de la part d’un officier que j’estime. Voici une commission pour un régiment suisse qui se trouve dans une des provinces les plus éloignées de ma capitale, et où vous ne trouverez probablement pas d’Écossais. N’entretenez aucune correspondance avec votre pays ; continuez d’être le capitaine Melville, et laissez dormir le nom de Morton jusqu’à des jours plus favorables.

— C’est ainsi que ma fortune a commencé. J’ai eu le bonheur de réussir dans différentes missions et mes services ont été récompensés par Son Altesse Royale, jusqu’au moment où ce prince a été appelé en Angleterre pour devenir notre libérateur et notre roi. L’ordre qu’il m’avait donné doit me faire pardonner le silence que j’ai gardé avec le petit nombre d’amis que j’avais laissés en Écosse. Quant au bruit de ma mort, elle était une conséquence naturelle de mon naufrage ; et ce qui a dû contribuer à le confirmer, c’est que je n’ai fait usage ni des lettres de crédit qui m’avaient été remises, ni des lettres de recommandation, excepté celle pour le prince.

— Mais comment se fait-il, mon cher enfant, que pendant cinq ans vous n’ayez pas rencontré un Écossais qui vous reconnût ?

— J’ai passé les trois premières années dans une province reculée ; et quand, après ce temps, j’ai été à la cour du prince d’Orange, il aurait fallu une affection aussi vive et aussi sincère que la vôtre, pour reconnaître le petit Morton dans la personne du major-général Melville.

— Melville ! c’était le nom de votre mère ; mais celui de Morton sonne mieux à mes oreilles. En prenant possession de l’ancien domaine de votre famille, il faut reprendre aussi votre ancien nom.

— Je ne veux faire ni l’un ni l’autre, Alison ; j’ai les plus fortes raisons pour désirer que mon retour en Écosse, mon existence même, y soient ignorés. Quant au domaine de Milnwood, je sais qu’il vous appartient, et je le trouve en bonnes mains.

— J’espère, mon cher enfant, que vous ne parlez pas sérieusement ? Que voulez-vous que je fasse de vos terres et de vos rentes ? Ce n’est qu’un fardeau pour moi. Je ne suis plus assez jeune pour prendre un mari, quoique Wylie Mactricket le procureur se soit montré civil et très pressant ; mais je suis une trop vieille chatte