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LES PURITAINS D’ÉCOSSE

dit-il en entrant dans la cuisine, il entendit sur l’escalier le bruit des talons élevés dont étaient armés les souliers d’Alison.

Il eut le temps de jeter un coup d’œil sur cette pièce. Quoique le charbon ne manquât pas dans les environs, un feu économique brûlait sous une petite marmite qui contenait le dîner préparé pour mistress Wilson et pour son unique servante, jeune fille de douze ans, et le fumet annonçait que la dame ne se permettait pas un ordinaire plus succulent que du temps du vieux Milnwood.

— Que désirez-vous de mistress Wilson, Monsieur ? lui dit-elle : je suis mistress Wilson. — (Les cinq minutes qu’elle avait passées à sa toilette lui avaient paru suffisantes pour lui donner le droit de reprendre son nom, et par là d’exiger plus sûrement le respect auquel elle prétendait.)

Henry ne savait trop que répondre ; car, quoiqu’il ne voulût pas se faire reconnaître, il n’avait songé à se préparer aucun prétexte pour motiver sa visite. Alison l’eut bientôt tiré d’embarras, en lui demandant : — Vous avez donc vu M. Henry Morton en Allemagne ?

— Pardonnez-moi, Madame, répondit-il, c’est du colonel Silas Morton que je parlais.

L’expression de plaisir qui brillait dans les yeux de la bonne femme s’évanouit. — C’est donc son père que vous avez connu ? Mais vous ne pouvez l’avoir connu en pays étranger ! vous me paraissez trop jeune. Il était de retour en Écosse avant que vous fussiez né. J’espérais que vous m’apportiez des nouvelles de son fils, du pauvre M. Henry.

— C’est mon père qui m’a appris à connaître le colonel Silas Morton. Quant à son fils, j’ai entendu dire qu’il avait péri dans un naufrage sur les côtes de Hollande.

— Hélas ! cela n’est que trop probable, et il en a coûté bien des larmes à mes pauvres yeux. Son oncle me parlait encore de lui le jour de sa mort. Il venait de me donner des instructions sur la quantité de vin et d’eau-de-vie qu’il faudrait préparer pour ceux qui assisteraient à ses funérailles ; car, mort ou vivant, c’était un homme prudent, économe, et qui prenait garde à tout. — Ailie, me dit-il… (Il me nommait toujours ainsi ; nous étions de si vieilles connaissances !) Ailie, ayez bien soin de la maison, car le nom de Morton de Milnwood est oublié comme le dernier refrain d’une vieille chanson. — Ce furent ses dernières paroles.

Tandis que mistress Wilson racontait les derniers discours du vieil avare, l’épagneul, revenu de sa première surprise, reconnut son maître, et se mit à faire tant de gambades, qu’il était sur le point de le trahir.

— À bas, Elphin ! à bas ! cria Henry d’un ton d’impatience.