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LES PURITAINS D’ÉCOSSE

de nos ancêtres aurait pu être mieux placé : n’importe, je veux encore voir la vieille maison.

Sous son ancien maître, le manoir de Milnwood n’inspirait pas la gaieté ; mais il paraissait alors plus sombre et plus triste qu’on l’eût jamais vu. Il était en bon état de réparations ; pas une tuile ne manquait à la toiture, pas un carreau aux croisées ; mais une herbe épaisse croissait dans la cour, et la porte principale n’en avait pas été ouverte depuis longtemps. Morton frappa plusieurs fois, sans entendre le moindre bruit dans l’intérieur ; enfin il vit s’ouvrir la petite lucarne, et paraître à travers les barreaux la figure d’Alison, couverte de quelques rides de plus que celles qui s’y trouvaient déjà quand il avait quitté l’Écosse. Un toy d’où s’échappaient quelques mèches de cheveux gris qui produisaient un effet plus pittoresque qu’agréable lui couvrait la tête. — Que demandez-vous ? dit-elle d’une voix aigre et cassée.

— Je désire, répondit Morton, parler à Alison Wilson.

— Elle n’y est pas, répondit mistress Wilson elle-même, à qui l’état de sa parure inspira peut-être l’idée de se renier ainsi. Mais vous êtes un malappris : cela vous aurait-il fait mal à la langue de dire mistress Wilson de Milnwood ?

— Pardon, dit Henry, souriant en lui-même de trouver que la vieille Alison conservait toujours ses prétentions au respect qu’elle croyait lui être dû : j’arrive de pays étranger, et j’y suis resté si longtemps que j’ai presque oublié ma propre langue.

— Vous venez de pays étranger ? Y auriez-vous par hasard entendu parler d’un jeune homme de ce pays, nommé Henry Morton ?

— J’ai entendu prononcer ce nom en Allemagne.

— Faites le tour de la maison, vous trouverez une porte de derrière qui n’est fermée qu’au loquet ; vous l’ouvrirez ; vous entrerez dans la basse-cour, vous tournerez à droite, puis vous irez droit devant vous. Là, vous verrez la porte de la petite cuisine : c’est la seule qui serve à présent. Vous y entrerez, je viendrai vous rejoindre, et vous pourrez me communiquer ce que vous vouliez dire à mistress Wilson.

Malgré ces instructions minutieuses, un étranger aurait eu peine à se reconnaître dans le labyrinthe qu’Alison venait de tracer ; mais, grâce à sa connaissance des lieux, Morton ne pût s’égarer. Le seul obstacle qu’il eut à vaincre vint d’un petit épagneul qui aboyait avec acharnement contre lui. Cet animal lui avait appartenu autrefois ; mais, différent du fidèle Argus, le chien d’Ulysse, il ne reconnaissait pas son maître.

— Et lui aussi ! Pas une créature vivante ne me reconnaîtra, se