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LES PURITAINS D’ÉCOSSE

pour le remplacer au service du roi Jacques. Ce n’est pas le temps, Edith, de composer avec mon devoir ; j’ai ordonné la levée de mes vassaux, et il faut que je prenne congé de vous ce soir.

— Pourriez-vous y penser. Milord ? Ne savez-vous pas combien votre vie est précieuse pour vos amis ? Ne la risquez pas dans une entreprise si téméraire ; pouvez-vous espérer, seul avec quelques vassaux, de résister aux forces de toute l’Écosse.

— Écoutez-moi, Edith : mon entreprise n’est pas aussi téméraire que vous le pensez. Le régiment des gardes dans lequel j’ai servi si longtemps, conserve un secret attachement pour la cause de son légitime souverain. Dès que j’aurai le pied dans l’étrier, deux autres régiments de cavalerie se rendront sous mon étendard : ils n’attendaient pour se déclarer que l’arrivée du vicomte de Dundee dans le bas pays. Maintenant qu’il n’existe plus, quel officier osera tenter l’entreprise, s’il n’y est encouragé par le soulèvement des troupes ? Si je diffère, leur zèle se refroidira. Je dois les amener à se déclarer pendant que leur cœur s’enorgueillit encore de la victoire obtenue par leur ancien chef, et qu’ils brûlent du désir de venger sa mort prématurée.

— Et c’est sur la foi de soldats toujours prêts à passer d’un parti à un autre que vous allez faire un pas si dangereux ?

— L’honneur et la loyauté m’en imposent l’obligation.

— Et tout cela pour un prince dont vous-même vous n’approuviez pas la conduite quand il était sur le trône !

— Il est vrai : citoyen libre, je ne pouvais voir sans peine ses innovations dans l’église et dans le gouvernement. Mais il est dans l’adversité ; je soutiendrai ses droits.

— Mais, Milord, pourquoi avez-vous désiré cette entrevue ?

— Ne me suffirait-il pas de vous répondre, que je ne pouvais me résoudre à partir pour l’armée sans revoir celle à qui je suis glorieux d’être déjà fiancé ? Me demander les motifs d’un pareil désir, c’est douter de l’ardeur de mes sentiments, et me donner une preuve de l’indifférence des vôtres.

— Mais pourquoi fallait-il que cette entrevue eût lieu en cet endroit, et avec cette apparence de mystère ?

— Parce que j’ai une demande à vous faire, que je n’ose expliquer avant que vous ayez lu ce billet.

Edith jeta promptement les yeux sur l’adresse de la lettre, reconnut l’écriture de son aïeule, et lut :


« Ma chère enfant, je n’ai jamais été plus contrariée du rhumatisme qui me retient dans mon fauteuil, qu’en vous écrivant cette lettre, tandis que je voudrais être où elle va bientôt se trouver,