Page:Scott - Nain noir. Les puritains d'Ecosse, trad. Defauconpret, Garnier, 1933.djvu/328

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
304
LES PURITAINS D’ÉCOSSE

mandement, à cause de son caractère diabolique. On n’a plus entendu parler de lui ; seulement quelques-uns prétendent que l’orgueil et la colère l’ont rendu tout à fait fou.

— Et, pourriez-vous me donner des nouvelles de lord Evandale ?

— Qui le pourrait mieux que moi ? ne va-t-il pas épouser ma jeune maîtresse, miss Edith ?

— Le mariage n’a donc pas encore eu lieu ?

— Il ne s’en faut guère, car ils sont fiancés. Jenny et moi nous avons été témoins, il y a quelques mois. Cela a bien tardé. Il n’y a que ma femme et moi qui savons pourquoi. Mais ne voulez-vous pas vous reposer ? Voyez, les nuages s’épaississent du côté de Glascow.

En effet, un nuage noir avait déjà caché le soleil.

— Cet homme a le diable au corps, dit Cuddy ; je voudrais qu’il descendît de cheval, ou qu’il galopât jusqu’à Hamilton avant l’averse.

Mais le cavalier restait immobile ; enfin, revenant à lui, il demanda si lady Marguerite Bellenden vivait encore.

— Oui ; mais les temps sont bien changés pour elle. Quel malheur d’avoir perdu le château de Tillietudlem, la baronnie, toutes les terres que j’ai labourées tant de fois ! et tout cela faute de quelques morceaux de parchemin qui ne se sont pas trouvés au château quand elle y est rentrée.

— J’en avais appris quelque chose, dit l’étranger : je prends beaucoup d’intérêt à cette famille. J’aurais grand plaisir à lui être utile. Pouvez-vous me donner un lit chez vous pour cette nuit !

— Nous n’avons qu’un petit coin, Monsieur, mais nous chercherons à vous loger plutôt que de vous laisser en aller avec l’orage ; car, à vous dire vrai, vous n’avez pas l’air trop bien portant.

— Je suis sujet à des vertiges ; mais cela passera bientôt.

— Nous ferons ce que nous pourrons pour vous bien traiter. Monsieur, quoique nous ne soyons pas bien pourvus de lits ; car Jenny a tant d’enfants ! Dieu les bénisse, elle et eux ! Aussi j’ai envie de prier lord Evandale de nous donner une chambre de plus dans la ferme.

— Je serai facile à contenter, dit l’étranger en entrant.

— Et votre cheval sera bien soigné.

Cuddy mena le cheval à l’étable, et dit à sa femme de tout préparer pour héberger le voyageur. Celui-ci alla s’asseoir à quelque distance du feu. Jenny le pria de déposer son manteau, son ceinturon et son chapeau, mais il s’en défendit sous le prétexte qu’il avait froid, et, pour abréger le temps en attendant le retour de Cuddy, il entra en conversation avec les enfants, évitant avec soin les regards curieux de leur mère.