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LES PURITAINS D’ÉCOSSE

blaient ni abattus par le destin de leurs compagnons, ni intimidés par la crainte de la mort ; au contraire, ils jetaient des regards fermes sur le peuple, et semblaient triompher de leurs vainqueurs.

Derrière ces prisonniers, marchait un corps de cavaliers.

À ce groupe succédèrent les principaux prisonniers, dont le nombre s’élevait à plus de cent. Ceux qui avaient le grade de chef s’avançaient les premiers : les uns, liés sur des chevaux, le visage tourné vers la queue ; les autres, attachés à de pesantes barres de fer qu’ils étaient obligés de porter à la main. On portait en triomphe les têtes de ceux qui avaient péri.

Tels sont les objets hideux qui, dans cette procession, précédaient les victimes encore vivantes.

Morton se sentit désolé à la vue d’un tel spectacle ; et en reconnaissant, parmi les prisonniers, parmi les têtes portées au bout des piques, des traits qui lui étaient devenus familiers, il se laissa tomber sur une chaise, dans un état d’horreur et de stupéfaction. Il n’en fut tiré que par la voix d’Headrigg, qui entra dans la chambre, pâle comme un mort, ses cheveux dressés sur la tête.

— Monsieur Henry, s’écriait-il ; que Dieu ait pitié de nous ! Il faut que nous paraissions à l’instant devant le conseil. Mais ce n’est pas tout : ma mère est arrivée de Glascow. Elle vient pour me voir rendre témoignage, suivant son jargon, ce qui veut dire pour me voir pendre. Oh ! Cuddy n’est pas encore si bête, et s’il peut éviter la corde, au diable tous les témoignages ! — Mais voici Claverhouse lui-même.

Le général entrait : — Il faut vous rendre tout de suite devant le conseil, monsieur Morton, dit-il. Votre domestique doit aussi vous y suivre. Vous n’avez rien à craindre pour votre sûreté ni pour la sienne ; mais je vous avertis que vous serez peut-être témoin d’une scène qui vous sera pénible à supporter. J’aurais voulu vous en épargner la vue, mais je n’ai pu y réussir. Ma voiture vous attend.

C’était encore une de ces invitations dont Morton n’avait aucun moyen de se défendre. Il se leva et suivit Claverhouse.

— Oui, dit le général, vous vous tirerez d’affaire à bon marché, et votre domestique en fera autant s’il peut retenir sa langue.

Cuddy entendit ces paroles, et fut transporté de joie. — Ma langue sera bien tranquille, pensa-t-il.

Comme il sortait, la vieille Mause, qui le guettait à la porte, le saisit par le bras. — Mon fils ! s’écria-t-elle, que je suis aise et glorieuse de voir que la bouche de mon fils va rendre témoignage à la vérité en plein conseil, comme son bras l’a fait sur le champ de bataille !