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LES PURITAINS D’ÉCOSSE

détruit son ouvrage lui en rendra compte. Et, par exemple, ai-je plus de droit aujourd’hui à la protection du général Grahame que la première fois que je l’ai vu ?

— Je ne voyais alors en vous que le fils d’un ancien chef de rebelles, maintenant je vous connais mieux ; je sais que vous avez un caractère que j’honore dans un ennemi autant que je l’aime dans un ami.

— Pensez-vous, général, que je doive être très reconnaissant d’une telle preuve d’estime ?

— Vous faites le pointilleux. Avez-vous jamais lu Froissart ?

— Non, répondit Morton.

— J’ai envie de vous procurer six mois de prison pour vous faire jouir de ce plaisir. Son livre m’inspire plus d’enthousiasme que la poésie elle-même. Avec quel sentiment chevaleresque le noble chanoine réserve ses plus belles expressions de douleur pour la mort du brave et noble chevalier. Mais, quant à quelques centaines de vilains nés pour labourer la terre, le noble historien témoigne pour eux aussi peu de sympathie que John Grahame de Claverhouse lui-même.

— Vous avez pourtant, général, un laboureur parmi vos prisonniers ; et, malgré le mépris que vous affichez pour une profession que quelques philosophes ont regardée comme tout aussi utile que celle de soldat, je prendrai la liberté de solliciter vivement votre protection pour lui.

— Vous voulez parler de Cuddy Headrigg. Oh ! ne craignez rien pour lui. Les dames de Tillietudlem m’avaient dit un mot en sa faveur. Il doit épouser leur femme de chambre, je crois. Je le protégerais à cause de l’erreur salutaire qui le jeta dans nos rangs la nuit dernière, lorsqu’il cherchait à vous procurer du secours. Il a eu confiance en moi, et c’est un titre pour que je ne l’abandonne pas. Mais, à vous parler sincèrement, il y a longtemps que j’ai les yeux ouverts pour surveiller sa conduite. — Holliday, donnez-moi le livre noir.

Le sous-officier présenta à son commandant un registre qui contenait les noms de tous ceux qu’on croyait devoir considérer comme suspects. Claverhouse se mit à le feuilleter chemin faisant.

— Ah ! m’y voici : Cuthbert Headrigg. Sa mère, puritaine exaltée. Quant à lui, c’est un garçon fort simple, mais sans génie ; excellent tireur. On pourrait l’attacher à la bonne cause. Le dévouement, la fidélité, monsieur Morton, sont des vertus qui ne sont jamais perdues avec moi. Vous pouvez compter sur la vie de ce jeune homme.

— Un esprit comme le vôtre n’est-il pas révolté d’un système qui