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LES PURITAINS D’ÉCOSSE

son cœur se sentait soulagé en voyant que le caractère de Morton était tel que sa tendresse pour lui l’avait toujours présenté à son imagination.

Cependant Henry était arrivé au camp presbytérien. Il y trouva tout en confusion. On y avait appris que l’armée royale, ayant reçu les renforts qu’elle attendait d’Angleterre, était sur le point d’entrer en campagne. La renommée exagérait ses forces, le bon état des troupes, leur valeur, et le courage des insurgés en était abattu. D’autres circonstances tournaient encore à leur désavantage : les espérances que le caractère connu du duc de Monmouth avait fait concevoir au parti modéré s’étaient évanouies depuis qu’on savait quels étaient ceux qui commandaient sous ses ordres.

Son lieutenant général, le célèbre Thomas Dalzell, qui avait été au service de Russie était fameux par ses cruautés ; Claverhouse, encore brûlant de venger la mort de son neveu et sa défaite à Drumclog, commandait la cavalerie.

Morton s’efforça de rassurer les esprits. Il rappela à leur souvenir la victoire qu’ils avaient remportée sur Claverhouse, enfin, il s’efforça de les convaincre que leur salut était entre leurs mains.

Tandis qu’il cherchait à ranimer l’ardeur des soldats, il appuyait auprès des chefs sur ces bruits décourageants pour leur faire sentir la nécessité de proposer au gouvernement des termes de conciliation qu’il pût accepter, et qui seraient écoutés d’autant plus favorablement qu’ils les proposeraient à la tête d’une armée nombreuse et qui n’avait éprouvé aucun échec. Il leur fit observer aussi que, dans l’état de découragement où se trouvait l’armée, il était difficile d’espérer qu’elle combattît avec avantage, et que, s’ils avaient le malheur d’essuyer une défaite, l’insurrection, bien loin d’avoir été utile à la patrie, serait un nouveau prétexte pour redoubler les persécutions.

L’évidence de ces raisonnements convainquit un certain nombre de ses collègues. Ils prirent connaissance des propositions que lord Evandale était chargé de transmettre au duc de Monmouth, et y donnèrent leur adhésion. D’autres, au contraire, traitèrent ces propositions de sacrilège, parce qu’elles n’étaient pas fondées sur le Covenant de 1640, et ils répandirent ces idées parmi la multitude. Ils allaient criant partout que ceux qui parlaient de paix sans y mettre pour condition le détrônement du roi et l’indépendance de l’église presbytérienne, étaient des gens qui ne cherchaient qu’un prétexte pour abandonner leurs frères et une occasion pour les trahir. Dans tous les rangs, on n’entendait que disputes et controverses à ce sujet ; des paroles on en venait aux coups ; la discorde régnait dans le camp.