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LES PURITAINS D’ÉCOSSE

d’un amant. L’encre en était effacée par le temps, et, malgré le soin avec lequel elles avaient été conservées, elles restaient illisibles dans deux ou trois endroits. Ces mots étaient écrits sur l’enveloppe de celle qui avait le plus souffert : N’importe ! je les sais par cœur.

Morton ne put s’empêcher de réfléchir avec compassion au sort de cet homme bizarre et malheureux, qui, dans un état de misère et presque d’abjection, semblait avoir sans cesse devant les yeux le rang auquel sa naissance lui donnait des droits, et qui se souvenait avec quelques remords, du temps de sa jeunesse où il avait conçu une passion vertueuse. — Hélas ! se disait-il, que sommes-nous, si nos meilleurs sentiments peuvent ainsi se dégrader ? C’est partout la même chose. Les principes généreux d’un homme se tournent en une froide insensibilité ; la piété d’un autre, en enthousiasme fanatique. Nos résolutions, nos passions, sont comme les vagues de la mer.

Pendant que Morton moralisait ainsi, Burley se présenta devant lui. — Déjà debout ! dit celui-ci. C’est bien. C’est une preuve de zèle pour la bonne cause. — Mais quels sont ces papiers ?

Morton lui rendit un compte succinct de l’expédition de Cuddy, et lui remit les papiers de Bothwell. Burley examina avec attention tous ceux qui avaient quelque rapport aux affaires publiques et dit :

— La nomination du conseil est faite. Il est composé de six membres ; vous en faites partie, et je viens vous chercher pour que vous preniez part à la délibération.

Morton suivit Balfour dans la même chaumière où il avait été la veille, et où leurs collègues les attendaient. Les deux principales factions qui divisaient cette armée rassemblée à la hâte étaient convenues, après une longue et tumultueuse discussion, que chacune d’elles nommerait trois membres du conseil. Les caméroniens avaient choisi Burley, Macbriar et Kettledrummle ; les modérés, Poundtext, Henry Morton et un petit propriétaire, le laird de Langcale. Les deux partis se trouvaient complètement balancés par cette représentation dans le conseil ; mais il paraissait probable que les opinions les plus violentes auraient la prépondérance.

La délibération de ce jour, du moins, fut plus paisible qu’on ne devait s’y attendre d’après celle de la veille. Après avoir examiné les ressources actuelles et l’accroissement présumable de leurs forces, les chefs résolurent de conserver leur position, afin de donner aux renforts le temps de les rejoindre ; mais de marcher le lendemain vers Tillietudlem, et de sommer le château de se rendre. En cas de refus, on tenterait l’assaut ; et si l’on échouait, on laisserait devant la place une force suffisante pour la bloquer et