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LES PURITAINS D’ÉCOSSE

encore chérie et respectée, et qui reconnaîtraient volontiers son fils pour leur chef. Il se flattait d’ailleurs d’exercer quelque influence sur l’esprit de ce jeune homme, fils de son ancien compagnon d’armes. Il avait donc vanté au conseil de guerre, les talents et les dispositions de Morton, et avait obtenu sans peine qu’on le plaçât au rang des capitaines.

Les arguments dont se servit Balfour pour déterminer Henry à accepter cette dangereuse promotion étaient aussi adroits que pressants. Il ne chercha pas de détours pour avouer qu’il avait sur le gouvernement ecclésiastique les mêmes idées que le fougueux prédicateur ; mais il prétendit que, dans la crise où étaient les affaires de la nation, une légère différence d’opinion ne devait pas empêcher ceux qui désiraient le bien de leur patrie de prendre les armes pour la défendre. Plusieurs sujets de division, ajouta-t-il, naissaient de circonstances qui cesseraient dès que la délivrance de l’Écosse serait complète : car une fois le presbytérianisme devenu triomphant, il ne serait plus nécessaire de faire un semblable compromis avec l’autorité, donc toute discussion sur la légalité de la tolérance serait réduite à néant. Burley insista principalement sur la nécessité de profiter de l’avantage décisif qu’on venait d’obtenir ; que ce succès allait faire soulever en leur faveur tous les comtés de l’ouest de l’Écosse ; enfin qu’on se rendrait coupable, si, par crainte ou par indifférence, on refusait de coopérer au triomphe de la justice.

Morton fier et indépendant, n’était que trop porté à se joindre à une insurrection dont le but semblait être de faire rendre la liberté à son pays. Il craignait que cette grande entreprise ne fût pas soutenue par des forces suffisantes, et que ceux qui la conduisaient n’eussent pas assez de sagesse et l’esprit assez élevé pour bien user du succès. D’ailleurs, considérant les injures que subissaient tous les jours ses compatriotes, et celles qu’il avait essuyées personnellement, il était dans une situation précaire et dangereuse vis-à-vis du gouvernement : tout se réunissait pour l’engager à se rendre aux propositions de Burley. Cependant, en lui annonçant qu’il acceptait le grade que le conseil de guerre lui avait conféré, il y mit une sorte de restriction.

— Je suis prêt, dit-il, à unir mes faibles efforts aux vôtres pour travailler à l’émancipation de mon pays ; mais ne vous méprenez pas sur mes intentions. Je condamne absolument l’acte qui paraît avoir déterminé cette lutte, et si l’on doit s’en permettre encore de pareils, il ne faut pas compter sur ma participation.

— Vous voulez parler de la mort de James Sharpe ?

— Telle était ma pensée.