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LES PURITAINS D’ÉCOSSE

— Avec vingt hommes déterminés, je réponds du château pendant huit jours. J’y ai fait entrer les caissons que vous aviez laissés à la ferme ; et quant aux provisions, j’espère que les messagers qui sont partis vont en apporter. Au surplus, avant de capituler nous mangerons les semelles de nos bottes.

— Oserai-je vous faire une demande, colonel ? dit lady Marguerite : je désirerais que le détachement que vous voulez bien ajouter à ma garnison fût commandé par le brigadier Francis Stuart. Ce serait un moyen de motiver sa promotion à un grade supérieur.

— Les campagnes du brigadier sont terminées, Milady.

— Pardon, dit le major en prenant le colonel par le bras et en s’éloignant des dames, mais je suis inquiet pour mes amis. Je crains que vous n’ayez fait une autre perte et plus importante. J’ai remarqué que ce n’est plus votre neveu qui porte votre étendard.

— Vous avez raison, major, répondit Claverhouse ; mon neveu est mort d’une manière digne de lui.

— Quel malheur ! un si beau jeune homme, si brave !

— Tout cela est vrai, dit Claverhouse ; je regardais le pauvre Richard comme mon fils ; mais je vis, je vis pour le venger.

— Colonel Grahame, dit le brave vétéran en essuyant une larme, je m’applaudis de vous voir supporter ce malheur avec tant de fermeté.

— Je ne suis point un homme qui rapporte tout à soi. Je ne suis égoïste ni dans mes espérances, ni dans mes craintes, ni dans mes plaisirs, ni dans mes chagrins. Ce n’est point dans des vues d’intérêt personnel que j’ai été sévère. Le service du roi et le bien de mon pays, voilà quel fut toujours mon but.

— Je suis étonné de votre courage, après un événement dont les conséquences peuvent être si fâcheuses.

— Oui, les ennemis que j’ai dans le conseil m’accuseront de ce revers. — je méprise leurs accusations. Ils me calomnieront auprès du souverain ; — je saurais leur répondre. Le jeune homme qui vient de succomber était la seule barrière entre un avide collatéral et moi ; mais ce malheur ne frappe que moi, et la patrie a moins à regretter sa perte que celle de lord Evandale, qui, après avoir vaillamment combattu, a, je crois, trouvé aussi la mort.

— Quelle journée fatale ! on m’a dit que l’impétuosité de ce brave jeune homme est une des causes de la perte de la bataille.

— Ne parlez pas ainsi, major. Si quelque blâme a été mérité aujourd’hui, qu’il s’attache aux vivants, et qu’il ne flétrisse pas les lauriers de ceux qui sont morts avec gloire. Je ne puis assurer que lord Evandale ait succombé ; mais il est mort ou prisonnier, je le crains. Il était hors de la mêlée, du moins la dernière fois que