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LE NAIN NOIR

Cette affaire réglée, nos deux chasseurs doublèrent le pas et gravirent bientôt une petite éminence. — Monsieur Patrick, dit Hobbie, j’éprouve toujours du plaisir quand j’arrive en cet endroit. Voyez-vous là-bas cette lumière ? c’est là qu’est ma grand’mère. La bonne vieille travaille à son rouet. Et plus haut, à la fenêtre au-dessus, en voyez-vous une autre ? c’est la chambre de ma cousine, de Grâce Armstrong. Elle fait à elle seule plus d’ouvrage dans la maison que mes trois sœurs ensemble. Quant à mes frères, l’un est parti avec les gens du chambellan, l’autre est à Moos-Phadraig, la ferme que nous faisons valoir.

— Vous êtes heureux d’avoir une famille si estimable.

— Heureux, oui certes. Mais à propos, monsieur Patrick, dites-moi donc, non que cela me concerne particulièrement, mais j’entendais cet hiver le prêtre de Saint-John et notre ministre discuter là-dessus, et tous deux, ma foi, ils parlaient très bien. Le prêtre donc dit qu’il est contre la loi d’épouser sa cousine ; mais je ne crois pas qu’il citât aussi bien les autorités de la Bible que notre ministre.

— Le mariage est reconnu par tous les chrétiens protestants aussi libre que Dieu l’a fait dans la loi lévitique ; ainsi, mon cher Hobbie, il ne peut y avoir aucun obstacle à ce que vous épousiez miss Armstrong.

— Oh ! oh ! monsieur Patrick, vous qui êtes si chatouilleux, ne plaisantez donc pas comme cela ! Il n’était pas question de Grâce. D’ailleurs elle n’est pas ma cousine germaine. Mais nous allons arriver, il faut que je tire un coup de fusil ; c’est ma manière de m’annoncer.

Dès qu’il eut donné le signal, on vit différentes lumières se mettre en mouvement. Hobbie en fit remarquer une qui traversait la cour : — C’est Grâce ! dit-il à son compagnon. Elle ne viendra pas me recevoir à la porte ; elle va voir si le souper de mes chiens est préparé.

— Qui m’aime, aime mon chien. Vous êtes un heureux garçon.

Cette observation d’Earnscliff fut accompagnée d’un soupir qui n’échappa pas à l’oreille du jeune fermier. — En tout cas, dit-il, je ne suis pas le seul. Aux courses de Carlisle, j’ai vu plus d’une fois miss Isabelle Vere détourner la tête pour regarder quelqu’un qui passait près d’elle. Qui sait ce qui peut arriver dans ce monde ?

Earnscliff eut l’air de murmurer tout bas une réponse.

Ils avaient déjà dépassé le loaning, ils se trouvèrent en face de la ferme où demeurait la famille d’Hobbie Elliot. Elle était couverte en chaume, mais d’un abord confortable. De riantes figures étaient déjà à la porte ; mais la vue d’un étranger émoussa