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LES PURITAINS D’ÉCOSSE

ques instants, ils s’arrêtèrent comme d’un commun accord, pour se préparer à un duel dans lequel chacun d’eux reconnaissait qu’il avait trouvé un adversaire digne de lui.

— Tu es le meurtrier Burley, dit Bothwell en brandissant son sabre : tu m’as échappé une fois, mais aujourd’hui je pendrai à l’arçon de ma selle ta tête, qui vaut son pesant d’or.

— Oui, dit Burley, je suis ce John Balfour qui t’a promis que lorsqu’il t’aurait renversé tu ne te relèverais plus.

— Eh bien, un lit dans la fougère ou mille marcs d’argent !

— L’épée du Seigneur et de Gédéon est avec moi, répondit Burley.

Jamais peut-être on n’avait vu combattre avec des chances aussi égales. Les deux adversaires maniaient leurs armes avec la même adresse, gouvernaient leurs chevaux avec la même dextérité. Ils se firent réciproquement plusieurs blessures. Enfin le sabre de Bothwell s’était brisé dans sa main, il s’élança sur son adversaire, le saisit par le baudrier, le fit tomber de cheval et fut entraîné dans sa chute. Les compagnons de Burley accoururent à son secours, mais ceux de Bothwell les repoussèrent, et l’engagement devint général. Les chevaux passèrent à plusieurs reprises sur le corps des deux combattants, plus que jamais acharnés l’un contre l’autre. Enfin le brigadier eut le bras droit cassé par le sabot d’un cheval, et il lâcha prise avec un sourd gémissement. Les deux combattants se relevèrent. Le bras de Bothwell pendait désarmé à son côté ; de sa main gauche il voulut saisir son poignard, mais son poignard était tombé du fourreau. Restant donc tout à fait sans défense, le brigadier jeta sur Burley un regard plein de rage et de désespoir ; celui-ci avec un sourire farouche, brandit son épée, et la lui passa au travers du corps. Bothwell reçut le coup sans fléchir, et ne chercha plus à se défendre ; mais, regardant son vainqueur avec l’expression de haine, il s’écria : — Applaudis-toi, misérable rustre, tu as versé le sang des rois.

— Meurs, dit Balfour en le perçant une seconde fois.

— Et sans rien CRAINDRE.

Bothwell tomba en prononçant ces mots.

Saisir un coursier par la bride, se mettre en selle et voler au secours des siens, fut pour Burley l’affaire d’un moment. La chute de Bothwell augmentait leur courage, le succès ne fut plus douteux. Une partie des soldats furent tués, les autres prirent la fuite. Burley défendit qu’on les poursuivît, et ralliant son parti, traversa à son tour le fossé pour exécuter contre Claverhouse la même manœuvre que celui-ci avait dirigée contre lui. Il envoya un cavalier porter aux fantassins la nouvelle de l’avantage qu’il venait de remporter,