Page:Scott - Nain noir. Les puritains d'Ecosse, trad. Defauconpret, Garnier, 1933.djvu/200

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
182
LES PURITAINS D’ÉCOSSE

Ici la conversation souffrit une longue interruption, Cuddy regrettant de n’avoir pas accepté le présent de sa maîtresse, et Henry réfléchissant sur les causes qui avaient pu déterminer lord Evandale à intercéder en sa faveur.

— N’est-il pas possible, se disait-il à lui-même, que j’aie mal interprété l’influence qu’elle a sur lord Evandale ? Dois-je la blâmer, si elle a eu recours, pour me sauver, à quelque dissimulation ?

Cependant les mots qu’Edith avaient prononcés, et dont il n’avait entendu qu’une partie retentissaient encore à ses oreilles. Est-il possible d’exprimer plus clairement la préférence qu’elle a pour lui ? Elle est à jamais perdue pour moi. Il ne me reste que la vengeance pour mes injures personnelles et pour les maux dont on accable mon pays !

Cuddy, selon toute apparence, poursuivait le même cours d’idées, car tout d’un coup il dit à voix basse : — Y aurait-il du mal à nous tirer des mains de ces coquins, si nous en trouvions l’occasion ?

— Pas le moindre, répondit Morton : si elle se présente, croyez bien que je ne la laisserai pas échapper.

— Je suis bien aise que vous parliez ainsi. Je ne suis pas homme à reculer.

— Je résisterai à toute autorité humaine qui envahit tyranniquement mes droits et ma charte d’homme libre. Je suis décidé à ne pas me laisser traîner en prison, si je puis m’échapper.

— C’est justement ce que je pensais. Mais vous me parlez de charte. Ce sont des choses qui n’appartiennent qu’à ceux qui sont gentilshommes comme vous ; cela ne me va pas, à moi qui ne suis qu’un laboureur.

— La charte dont je parle protège indistinctement tous les Écossais. C’est cette délivrance des coups de fouet de l’esclavage qui était réclamée par l’apôtre saint Paul lui-même, comme vous pouvez le lire dans l’Écriture ; charte que tout homme né libre est appelé à défendre pour soi-même et pour ses concitoyens.

— Oh ! Monsieur, il se serait passé un long temps avant que milady Margaret ou ma mère eussent trouvé semblable doctrine dans la Bible. L’une disait toujours de payer le tribut à César, et l’autre n’est pas moins folle de son whiggisme. J’ai tout perdu en écoutant deux vieilles radoteuses ; mais si je pouvais trouver un gentilhomme qui voulût me prendre à son service, je suis sûr que je ferais une tout autre figure. J’espère que Votre Honneur se souviendra de ce que je viens de dire, si nous nous tirons jamais de cette maison d’esclavage, et que vous me prendrez pour votre valet de chambre.