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LES PURITAINS D’ÉCOSSE

du moment ! Le sergent peut venir faire sa ronde, et il ne faut pas exposer le pauvre Holliday à être puni.

Le prisonnier commençait à soupçonner la vérité ; il s’avança timidement. Quelle autre qu’Édith, dans le château de lady Bellenden, pouvait prendre intérêt à lui ? Cependant, comme le costume dont elle était revêtue et le plaid qui la couvrait l’empêchaient de la reconnaître, il craignait de commettre une méprise offensante pour l’objet de sa tendresse. Enfin Jenny, que son caractère résolu et sa hardiesse d’esprit rendaient propre au rôle qu’elle jouait alors, prit sur elle de rompre la glace. — Monsieur Morton, dit-elle, miss Édith est bien chagrine de votre situation, et elle vient…

Elle n’eut pas besoin d’en dire davantage ; Henry était auprès d’Édith et presque à ses pieds ; il s’était emparé d’une de ses mains, et l’accablait de remerciements que son émotion rendait presque inintelligibles.

Édith resta d’abord immobile ; mais au bout de quelques minutes, revenant à elle, elle dégagea sa main de celles de Henry. — Me pardonnerez-vous, lui dit-elle d’une voix faiblement articulée, une démarche que j’ai peine à excuser moi-même ? Mais l’amitié que j’ai conçue pour vous depuis longtemps est trop forte pour que je puisse vous abandonner quand il semble que tout le monde vous abandonne. Pourquoi vous a-t-on arrêté ? qu’est-il possible de faire pour vous ? Mon oncle qui vous estime, M. Milnwood lui-même, ne peuvent-ils vous être utiles ? Que faudrait-il faire pour vous sauver ? qu’avez-vous à craindre ?

— Je ne crains plus rien ! s’écria Henry en saisissant de nouveau une main qu’Édith ne chercha plus à retirer. Quoi qu’il puisse m’arriver, ce moment est le plus heureux de ma vie. C’est à vous, chère Édith, que je dois le seul instant de bonheur qui ait embelli mon existence ; et s’il faut perdre la vie, ce souvenir fera la consolation de mes derniers moments.

— Mais est-il possible que vous, qui n’aviez jusqu’ici pris aucune part à nos dissensions civiles, vous vous y trouviez tellement impliqué que, pour expier cette faute, il ne faille rien moins que…

Elle s’arrêta, ne sachant comment exprimer sa pensée,

— Rien moins que ma vie, voulez-vous dire ? répondit Morton avec calme. Je crois qu’elle dépend entièrement de la volonté de mes juges. Mes gardes me disent pourtant qu’il peut se faire qu’on me permette de prendre du service dans un régiment écossais au service étranger. Je croyais, il y a quelques instants, pouvoir embrasser cette alternative avec plaisir, mais depuis que je vous ai revue, miss Bellenden, je sens que pour moi l’exil serait plus cruel que la mort.