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LES PURITAINS D’ÉCOSSE

dedans. La carabine sur l’épaule, le dragon se consolait de sa solitude en s’humectant de temps en temps à l’aide d’une bouteille de vin.

— Surtout laissez-moi faire, dit Jenny à sa maîtresse ; je sais comment il faut m’y prendre avec lui. Ne proférez pas un seul mot.

Elle ouvrit la porte de la galerie au moment où la sentinelle tournait le dos, et, prenant un ton de coquetterie villageoise.

— Ma cousine a besoin de parler à M. Morton, votre prisonnier, et je suis venue pour l’accompagner.

— Vraiment ? Diable ! Et comment vous proposez-vous d’entrer dans cette chambre ? Vous et votre cousine, vous ne me paraissez pas assez minces pour passer par le trou de la serrure ; et quant à ouvrir la porte, il ne faut pas en parler.

— Il ne faut pas en parler, mais il faut le faire.

— Très joli projet, ma jolie Jenny.

— Vous ne voulez donc pas nous laisser entrer, monsieur Holliday ! Eh bien, tant pis pour vous. Voici la dernière fois que vous me verrez, et je garderai pour moi ce que je vous destinais.

En parlant ainsi, la suivante faisait jouer dans sa main un dollar.

— Donnez-lui de l’or ! lui dit tout bas miss Édith.

— Non, non, répondit-elle de même ; l’argent est assez bon pour les gens qui, comme lui, ne se soucient pas des coups d’œil d’une jolie fille ; d’ailleurs il pourrait soupçonner que vous êtes plus qu’il ne convient que vous paraissiez. — Élevant ensuite la voix : — Eh bien, monsieur Holliday, ma cousine n’a pas le temps de rester ici. Voyez donc si vous voulez nous laisser entrer, ou bien nous nous en allons.

— Un moment ! Parlementons, Jenny : si je laisse entrer votre cousine, me tiendrez-vous compagnie jusqu’à ce qu’elle revienne ? C’est le moyen que nous soyons tous contents.

— Oui-da ! Croyez-vous donc que ma cousine et moi nous soyons filles à compromettre notre réputation en restant tête à tête avec un homme comme vous ou comme votre prisonnier ! Non, non, monsieur Holliday. Ah ! mon Dieu ! quelle différence entre ce que certaines gens promettent et ce qu’ils tiennent ! Combien de fois ne m’avez-vous pas dit de vous demander tout ce que je voudrais ! et pour la première fois que j’use de la permission, vous me refusez ! Ce n’est pas ainsi qu’agissait ce pauvre Cuddy que vous méprisez tant. Il se serait fait pendre plutôt que d’hésiter à faire ce que j’exigeais de lui.

— Au diable soit Cuddy ! j’espère qu’il sera pendu un de ces quatre matins. Je l’ai vu aujourd’hui à Milnwood avec sa vieille